Pour Hans Stegeman, on a déjà perdu beaucoup trop de temps. Bien que la crise financière ait largement fait prendre conscience de la nécessité de changer notre modèle économique basé sur l’optimisation des gains, l’économiste estime qu’il ne s’est pas passé grand-chose. « Aujourd’hui, en pleine crise du coronavirus, on assiste au même réveil des consciences. Mais une fois encore, on fait en priorité tout ce qu’on peut pour préserver un modèle économique qui est lui-même à l’origine de ces crises. » constate H. Stegeman.
Nous ne pouvons toutefois pas continuer à nous enliser dans la voie actuelle où la croissance économique est reine. Nous avons perturbé notre lien à la nature et sommes devenu accros à une croissance qui, au final, ne tient plus sa promesse de bien-être pour tous. Et dans l’intervalle, les dégâts écologiques se poursuivent », poursuit H. Stegeman, qui ne croit pas que la technologie parviendra à résoudre les problèmes écologiques croissants. « Il n’en existe aucune preuve. »
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Le secteur financier doit prendre ses responsabilités
Pour sa part, la Banque Triodos a deux rôles à jouer, considère H. Stegeman. « Le premier consiste à financer le changement, en accordant des capitaux aux projets et entreprises qui contribuent à la nouvelle économie durable. Par ailleurs, nous avons également pour mission de faire changer nous-mêmes le secteur financier, pour multiplier le nombre d’entreprises qui optent pour des investissements durables. »
Opérer la transition durable requiert en réalité beaucoup d’argent. « Le financement va, en grande partie, devoir venir du secteur privé. Ce défi est encore plus grand maintenant que les pouvoir publics ont consacré des budgets importants à la gestion de la COVID-19 – ce qui est évidemment indispensable en termes de santé publique. » D’après les estimations d’Hans Stegeman, la transition au niveau mondial nécessiterait chaque année quelque 2 à 4 milliards de dollars. Au premier semestre 2020, les banques centrales ont déjà injecté 20 milliards dans les marchés pour stimuler la croissance... l’équivalent de cinq ans de transition durable, calcule l’économiste. « Malheureusement, vu les choix qui ont été faits, nous nous éloignons toujours plus des grands objectifs de développement durable tels que le recul de la pauvreté et de la famine, et la lutte contre le changement climatique. »
Pour H. Stegeman, le secteur financier s’est entre-temps distancié de l’économie réelle. « Nous tentons de sauver les meubles en multipliant les dettes, ce qui crée des bulles qui finiront immanquablement par éclater. Par ailleurs, nous nous heurtons de plus en plus souvent aux limites écologiques dans lesquelles une économie peut survivre. Nous n’avons plus le choix, nous devons résolument troquer notre économie contre un modèle qui ne soit pas uniquement basé sur des intérêts financiers. »
Une approche progressiste
Changer, c’est compliqué, admet H. Stegeman. L’asservissement à la croissance et à la logique du ’toujours plus’ à piégé l’économie et les gens. « Les gens ne modifient leurs comportements que lorsqu’il y voient des avantages ou y sont contraints par des règlements. Nous sommes toutefois arrivés à un point où nous n’avons plus le choix : nous devons changer. »
Et que faut-il pour cela ? H. Stegeman : « Nous devons en premier lieu faire le deuil de la croissance à tout va. Ensuite, nous pouvons diriger beaucoup plus de capitaux vers le développement durable. Les grands investisseurs sont nombreux à y rechigner parce que les rendements financiers deviennent probablement plus incertains. Prenons l’exemple de Shell, qui avait les faveurs de nombreux investisseurs en raison des dividendes à la fois stables et élevés. Si Shell optait pour des innovations durables, ce dividende serait moins sûr. » Nous n’avons toutefois plus le choix, estime H. Stegeman, parce que si on continue à s’enliser dans la voie bien connue, à la longue, les rendements visés ne seront plus au rendez-vous. Les compagnies pétrolières, elles aussi, l’ont compris et ont récemment commencé à amortir leurs actifs.
Pour terminer, H. Stegeman plaide en faveur de la biodiversité. Le développement durable est, d’après lui, très axé sur la politique climatique, mais les enjeux sont beaucoup plus vastes. « On prend de plus en plus conscience que le recul rapide de la biodiversité est un énorme problème dont nous ne mesurons pas les conséquences. Faisons de la recherche, commençons immédiatement à reboiser, à cultiver de manière biologique et à réintroduire les espèces animales. À défaut de le faire, notre économie et notre prospérité s’exposent à des risques croissants. »
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