Le nom du programme évoque le soufisme, une ancienne sagesse du Proche-Orient. Toute proportion gardée, c’est bien à une forme de sagesse que les créateurs de la masterclass Sufi (pour Sustainable Finance) veulent convertir un secteur financier qui n’est pas épargné par les critiques. Au programme des 25 à 40 participants sélectionnés sur dossier : l’apprentissage des clés d’une finance juste et durable

Notre but était d’apprendre le langage de la finance aux acteurs de la durabilité et le langage de la durabilité aux acteurs de la finance
Christel Dumas

Pour Triodos, il était tout naturel de soutenir cette initiative, qui répond au souhait de la banque de voir les flux financiers réorientés vers des projets vertueux, compatibles avec les objectifs de l’accord de Paris, au détriment des activités néfastes pour le climat, l’environnement et la société. « La Banque Triodos sponsorise la Masterclass SuFi parce que la finance durable a besoin de beaucoup plus de dirigeants dans la société – dans les entreprises, les pouvoirs publics, le monde académique, e.a. - qui comprennent et intègrent à fond l’impact social et écologique dans leurs décisions et, en conséquence, ne demandent pas moins de leur banquier », indique Thomas Van Craen, CEO de la Banque Triodos Belgique.

La Banque Triodos est l’unique sponsor financier et l’un des contributeurs du projet, avec le Club de Rome, Finance Watch, Financité, SOLIFIN et la Fondation pour les Générations Futures. Ces différents organismes ont participé à l’élaboration du programme des 6 demi-journées de formation, tandis que Bruxelles-Environnement a mis à disposition ses locaux.


Apprendre à parler la langue de l’autre


« Notre but était d’apprendre le langage de la finance aux acteurs de la durabilité et le langage de la durabilité aux acteurs de la finance. Nous avons tout à gagner à parler la langue les uns des autres », résume Christel Dumas, professeure de finance à l’ICHEC et l’une des trois enseignantes à l’initiative du projet, avec Marek Hudon (Solvay Business School, ULB) et Sophie Béreau (UNamur). 

Partager un langage, cela permet aussi de nouer des contacts. C’était le second objectif : « Outre la transmission des connaissances, la formation vise à créer un réseau d’experts et d’acteurs de terrain ». De ce point de vue, l’expérience a été particulièrement probante : « Les participants ont spontanément demandé de pouvoir réaliser leur travail de fin de cursus en groupe, ce qui montre qu’ils ont perçu l’intérêt de ces échanges pluridisciplinaires ». 

Il ne s’agit pas de donner une grille de lecture unique mais plutôt des outils pour penser la complexité.
Christel Dumas

L’implication des participants est d’ailleurs l’une des belles surprises de cette première édition : « Nos apprenants étaient extrêmement motivés et avertis, ils avaient seulement besoin d’un cadre pour approfondir leur réflexion. Mais ce qui a été vraiment magique, c’est que notre classe a réuni un mix parfait d’experts financiers, juristes, membres d’ONG et décideurs politiques, et cela a donné des échanges passionnants. » 


Vérité complexe et multiple


Confronter différentes expériences et compétences accroît aussi la complexité. Comme le résume un participant, interrogé dans l’Écho du 17 mai dernier, « On débarque en croyant trouver la solution, on en ressort avec davantage d’esprit critique ». « La vérité est complexe et multiple », admet Christel Dumas. « Il ne s’agit pas de donner une grille de lecture unique mais plutôt des outils pour penser cette complexité. Une session très appréciée portait d’ailleurs sur la pensée systémique ».

Toute la régulation du monde n’y suffira pas si les missions de la finance ne sont pas alignées sur des objectifs de durabilité. C’est une question d’éthique, plus que de régulation.
Christel Dumas

Outre l’approche systémique, les 6 modules de la masterclass ont abordé notamment l’inclusion financière, l’investissement responsable ou encore la transformation du secteur financier. Et le climat dans tout cela ? « Pour nos participants, la gravité de la crise climatique n’était plus à démontrer. En revanche, ils ont souvent été formés avec des modèles économiques qui présupposent la croissance et négligent les externalités. Ces modèles ont été questionnés en profondeur. » 

Enfin, face à la tentation croissante du greenwashing, la séance inaugurale, portant sur les objectifs fondamentaux de la finance, revêt une importance capitale aux yeux de Christel Dumas : « Toute la régulation du monde n’y suffira pas si les missions de la finance ne sont pas alignées sur des objectifs de durabilité. C’est une question d’éthique, plus que de régulation. »

« Cette masterclass, c’est notre petit pas à nous »
Face aux constats et prévisions des scientifiques, et devant les obstacles qui ralentissent la transition, cette expérience apporte une note d’optimisme bienvenue. « Il est vrai que la situation est critique, mais je n’ai perçu aucun signe de découragement », souligne Christel Dumas. « Lorsqu’on réunit 40 décideurs qui veulent réfléchir et avancer, on ressent plutôt un élan d’énergie positive. Cela aide de savoir qu’on n’est pas seul. » 

« En tant qu’enseignante, confie la professeure à l’ICHEC, j’entends le message du GIEC comme une incitation à agir : chaque petit pas compte. Cette masterclass est notre petit pas à nous. » Un « petit pas » qui ne restera pas sans suite, puisque la masterclass SuFi est prévue et financée pour former au moins trois cohortes de participants, en trois ans.

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