Êtes-vous une université riche ?

ULB - Françoise magerman, adjointe du directeur financier
Françoise Magerman, adjointe du directeur financier

F.M. : (rire) Moins que d’autres ! Notre patrimoine est réparti entre plusieurs portefeuilles. Le premier, qu’on appelle « dotation affectée », est principalement constitué de legs. Ceux-ci émanent de personnes qui, par testament, manifestent le souhait de soutenir la recherche, l’enseignement ou encore l’action sociale de l’université en faveur des étudiants défavorisés. Parallèlement, nous disposons d’un portefeuille propre qui a pour vocation de soutenir le budget de l’université. Enfin, nous avons des portefeuilles dédicacés comme le Fonds Erasme, qui finance la recherche médicale de l’Hôpital Erasme, ou le SBS-Fund, qui soutient principalement les chaires de la Solvay Brussels School of Economics and Management.

Quels sont les critères de durabilité fixés par l’université pour ses placements ?


Nous avons entamé une réflexion sur la gestion durable de nos portefeuilles dès 2014, mais les propositions qui nous étaient faites à l’époque par nos gestionnaires de fonds avaient surtout un vernis très marketing. Dans le même temps, nous avons vu croître la pression des étudiants, qui réclamaient avant tout la sortie des énergies fossiles de nos portefeuilles. Il y a plusieurs années déjà, nous avons introduit dans nos contrats de gestion de patrimoine une série d’exigences, dont le respect du Pacte mondial des Nations Unies. Nous avons, par ailleurs, décidé de sortir complètement de certains secteurs comme l’armement ou le tabac, et de réduire drastiquement la part du secteur des énergies fossiles, qui ne représente plus, actuellement, que 2,5 % du total de nos placements.

 

Campus du solbosch de l'ULB - Photo : Lara Herbinia

Depuis quelques mois, vous poussez cette logique beaucoup plus loin encore.


En décembre 2018, le conseil d’administration de l’université a adopté une position beaucoup plus tranchée en matière d’investissements. Celle-ci traduit notre volonté d’être un acteur engagé dans la société. Notre ambition est de mettre en place une politique d’investissement 100 % durable et socialement responsable d’ici à 2021. Cela signifie concrètement que nous ne nous contenterons plus de suivre le mouvement actuel en faveur d’une plus grande durabilité, mais que nous voulons agir comme un précurseur dans ce domaine au sein du monde académique. Nous avons non seulement choisi de sortir complètement du secteur des énergies fossiles, mais aussi d’affecter un pourcentage donné de nos investissements à des thématiques cruciales pour la transition écologique telles que les énergies renouvelables ou l’eau. La détermination des pourcentages et des thématiques est en cours d’examen. Nous avons, en outre, décidé d’accorder des prêts à des projets locaux ayant un impact sociétal et qui sont cohérents avec les engagements de l’université. Il s’agit d’une approche très novatrice pour une université, d’où la complexité à mettre cela en place.

Notre ambition est de mettre en place une politique d’investissement 100 % durable et socialement responsable d’ici à 2021.
Françoise Magerman, adjointe du directeur financier de l'ULB

Ces décisions stratégiques sont-elles aisées à mettre en œuvre ?


Pas vraiment, et ce, pour deux raisons essentielles. D’une part, une partie de nos portefeuilles est gagée, c’est-à-dire qu’elle sert de garantie pour des emprunts souscrits par l’université. Il est aujourd’hui impossible de se délier de ces engagements vis-à-vis de cinq de nos partenaires. D’autre part, nous devons renégocier l’ensemble des conventions de gestion et cette tâche n’est pas simple du tout. En effet, tout n’est pas forcément clair dans les propositions que l’on nous fait, notamment lorsqu’il s’agit de placements dans des fonds de fonds. La réorientation des investissements est aussi plus compliquée pour les obligations que pour les actions car le choix est beaucoup plus restreint au vu de nos nouveaux critères. Il est donc possible que la répartition des actifs entre les gestionnaires bouge très prochainement. Nous souhaitons finaliser les nouvelles conventions pour la fin de l’année.

Quelles sont vos relations avec la Banque Triodos ?


La Banque Triodos est entrée dans notre consortium bancaire en reprenant les engagements d’une autre banque en matière de crédits.  En 2015, l’université a transféré un portefeuille complet dans un fonds d’investissement de la Banque Triodos. Et, actuellement, un gestionnaire de patrimoine avec lequel nous sommes en discussion nous propose une gestion de patrimoine durable en partenariat exclusif avec Triodos. La confiance s’est installée spontanément avec la Banque Triodos compte tenu de sa position de pionnière en matière d’investissement durable. Elle a eu et conserve toujours une longueur d’avance dans ce domaine bien que le marché dans son ensemble commence à évoluer en raison de la pression sociétale.

Dossier

La leçon d'investissement durable des universités