Hans Stegeman

Notre modèle économique actuel est linéaire. La croissance économique y est habituellement considérée comme un objectif en soi. Mais cette idéologie n’est pas durable puisque nos ressources naturelles ne sont pas illimitées et que les déchets  produits par ce système linéaire portent gravement atteinte à notre écosystème. Pour Hans Stegeman, chef de la stratégie de Triodos Investment Management (Triodos IM), l’économie circulaire est donc « un objectif impératif à atteindre si nous voulons résoudre la problématique du changement climatique ».

Préserver la valeur

Au lieu de maximiser la croissance et le profit, et de fabriquer des produits à obsolescence programmée, nous devons préserver le plus longtemps possible toute la valeur créée. La croissance économique doit être adaptée à nos besoins réels d’une manière intelligente, innovante et soucieuse des ressources.

Mais comment rendre une économie circulaire ? Pour Hans Stegeman, il y a plusieurs axes à suivre : « Remplacer les combustibles fossiles par de l’énergie renouvelable. S’efforcer de réduire les déchets et d’augmenter l’efficacité de l’apport matériel. Utiliser les produits le plus longtemps possible en les concevant de manière à pouvoir les réparer et les rénover. Créer des circuits de seconde main et des plateformes de partage. Voilà l’idée globale, et des signes montrent que c’est possible. »

Il faut également que les pouvoirs publics et les entreprises s’impliquent et intègrent l’économie circulaire dans leur modèle d’entreprise.
Hans Stegeman, chef de la stratégie de TriodosInvestment Management

Expérimenter

Qui a un rôle à jouer ? Hans Stegeman : « L’ expérience des dernières années montre qu’une économie circulaire est possible. Du moins à échelle réduite, pour certaines petites et moyennes entreprises et pour certains secteurs d’entreprises plus grandes. Pour atteindre l’objectif, il ne suffit toutefois plus de faire des expériences. Il faut également que les pouvoirs publics et les entreprises s’impliquent et intègrent l’économie circulaire dans leur modèle d’entreprise. »

L’économie circulaire est à l’ordre du jour de nombreux décideurs, dans de nombreux pays, et de plus en plus de consommateurs se disent prêts à acheter des articles recyclés. Mais, in fine, c’est aux entreprises qu’il incombe de fabriquer des produits permettant de boucler les cycles pour pouvoir initier la transition vers un univers circulaire. Plusieurs entreprises qui s’y engagent font partie de la sélection de Triodos IM dont l'économie circulaire est l'un des sept thèmes de transition.

Une de ces entreprises est DS Smith, qui fabrique principalement des emballages en carton ondulé composé de matériaux recyclés à 88 %. Par ailleurs, l’entreprise produit aussi des emballages en papier et en plastique, et fournit les services de recyclage. DS Smith a un modèle d’entreprise  circulaire. Via ses sociétés de recyclage, elle achète du carton usagé auprès des plus grands détaillants. En à peine 2 semaines, de nouveaux types de cartons en matériaux recyclés sont livrés dans les magasins. Avec une part de marché de près de 18 %, DS Smith compte parmi les leaders du marché européen des emballages en carton ondulé. Après le rachat d’Intertek, DS Smith a fait son entrée sur le marché américain.

La société irlandaise Smurfit Kappa, plus grand fabricant européen de boîtes en carton ondulé, est également un pionnier du recyclage. Elle fournit des emballages et caisses en carton ondulé et d’autres produits d’emballage à base de papier. Smurfit Kappa Group possède environ 370 sites de production dans 36 pays.
Ses emballages sont recyclables 6 à 8 fois, et lorsque les fibres sont épuisées, ils servent en agriculture ou à la production d’énergie. « Il est grand temps de passer à l’étape suivante, estime Hans Stegeman. Tout en restant fermes dans notre ambition de créer une économie qui respecte les limites de notre écosystème, nous devons devenir plus pragmatiques dans la manière d’atteindre notre objectif. Avancer pas à pas, mais sans compromis. »

Trois modèles d’entreprises circulaires

  • Dans le modèle de revalorisation des déchets, les produits arrivés en fin de vie sont réutilisés comme matière première. Tout ce qui est récupérable dans les déchets est retransformé en matières premières ou en énergie.
  • Dans le modèle circulaire, c’est dès la conception des produits que leur circularité est envisagée. On optimise la part des ressources circulaires (réutilisables, recyclables ou renouvelables) entrant dans le cycle de production ou on réduit au maximum la quantité absolue de ressources utilisées.
  • Les modèles de plateformes vont un pas plus loin. Les entreprises prennent elles-mêmes la responsabilité de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits en demandant aux clients de les restituer lorsqu’ils cessent de les utiliser.

Deux voies

Concrètement, Hans Stegeman distingue deux voies pour aller vers cette économie :
« La première voie passe par la politique à suivre. Calculer le prix des externalités liées à l’utilisation des ressources – par exemple, la pollution générée par les émissions de CO2 ou les déchets – favorise une utilisation plus raisonnée des ressources ainsi que la transition vers des ressources renouvelables. Cela favorise également les entreprises circulaires à entrer en concurrence avec celles qui ne le sont pas. Enfin, le consommateur peut prendre conscience des conséquences de ses actes comme acheter trop de vêtements ou changer de smartphone tous les deux ans, par exemple. »

« La seconde voie passe par les entreprises et les financiers : inciter les entreprises à devenir circulaires, simplement en leur posant la question. Si les réponses sont souvent ambiguës, une réaction (positive) a au moins le mérite de prouver qu’une entreprise a conscience de la circularité et a potentiellement déjà
entamé la réflexion. »