Quels sont, entre autres choses, les choix, les dilemmes et les ‘tentations’ auxquels la banque a été confrontée au fil des années ? Nous en avons épinglé quelques-uns par le biais de sept questions, en nous basant sur deux projets de recherche académique consacrés à la Banque Triodos : le premier, Resisting Temptation, émane de la Stanford Social Innovation Review ; le second, Banking as if Society Matters, a été initié par MIT CoLab, avec l’appui de collaborateurs de la Banque Triodos.

1. Sommes-nous des suivistes ou suivons-nous notre propre modèle ?

Créer une banque ou une entreprise n’était pas le but premier des ‘pères fondateurs’ de la Banque Triodos. Ceux-ci cherchaient avant tout à savoir comment l’argent peut être le vecteur d’un changement sociétal.

En 1968, ils ont constitué, aux Pays-Bas, un groupe d’étude centré sur cette mission bien précise. L’étape suivante fut la création de la Fondation Triodos qui, grâce aux contributions d’amis et connaissances de ses initiateurs, mettait des fonds à disposition d’initiatives sociales exclues du circuit traditionnel du financement bancaire. Cette forme juridique était, certes, utile, mais insuffisante pour remplir la mission visée. Les fondateurs se trouvaient à la croisée des chemins.

« Les fondateurs étaient confrontés à la décision de créer une banque, dotée du statut juridique et du potentiel correspondants, parce qu’ils voulaient changer la signification même de l’institution bancaire », explique Pierre Aeby, CFO de la Banque Triodos. Durant les préparatifs de demande d’une licence bancaire, l’organisme de contrôle néerlandais a plaidé en faveur d’une autre forme juridique, par exemple la coopérative, mais l’objectif initial des pères fondateurs de la banque a finalement débouché sur un modèle unique.

Nous voulions créer une banque, dotée du statut juridique et du potentiel correspondants, car notre volonté était de changer la signification même de l’institution bancaire.
Pierre Aeby CFO de la Banque Triodos

Ce ne fut donc ni une coopérative ni une entreprise classique. Triodos a été créée en 1980 avec le statut de banque, mais dotée de caractéristiques propres. Son modèle actionnarial, notamment, était original.

La Banque Triodos considère qu’il est particulièrement important de protéger sa mission et son identité. C’est la raison pour laquelle toutes les actions de la Banque Triodos sont logées dans une fondation, la Stichting Administratiekantoor Aandelen Triodos (SAAT), qui, à son tour, émet des certificats d’actions auxquels peuvent souscrire les particuliers et les institutions, avec la garantie qu’aucun d’entre eux ne pourra jamais posséder plus de 10% du capital total et de la SAAT. De cette manière, la fondation veille à ce que la banque ne s’écarte jamais de sa mission sociétale initiale. À ce jour, plus de 40.000 investisseurs particuliers ont apporté environ 90% du capital.

2. Le succès à tout prix, ou une croissance organique ?

En 2016, la Banque Triodos a franchi le cap des 650.000 clients au niveau européen. Avec 13,5 milliards d’euros d’actifs sous gestion, elle est considérée, suivant les normes de l’organisme de contrôle néerlandais, comme une banque de taille moyenne.

Ute Stephan et Marieke Huysentruyt, auteurs de l’étude de Stanford consacrée à son modèle bancaire, insistent dans leur analyse sur le fait que « Triodos a toujours résisté à la tentation de travailler avec des produits dérivés générant de hauts profits. En lieu et place, elle a opté pour un modèle avec des profits plus faibles et tisse les contacts qui lui permettent de financer des projets et des entreprises dans l’économie réelle. En choisissant cette voie, la banque reste éloignée des pratiques qui ont contribué à l’éclatement de la crise financière mondiale de 2008. »

Le choix de la ‘responsabilité’ plutôt que de la ‘neutralité’ dans l’octroi de financements est une dimension fondamentale du modèle de la banque, estime Katrin Käufer, auteure de l’étude du MIT.

La banque s’est spécialisée dans le financement d’entreprises, d’institutions et de projets ayant un impact positif sur le plan social, environnemental et culturel. Pour garantir cet impact positif, la banque a édicté un ensemble de conditions pour l’octroi de crédits. Toute demande de crédit doit répondre à ces conditions avant que la banque n’examine le volet financier.

En économie, « le capital, les ressources humaines et les matières premières constituent les facteurs importants. Ce qui s’est produit durant la crise, c’est que le facteur capital s’est dissocié des deux autres. »
Peter Blom, CEO de la Banque Triodos

3. Banque d’épargne ou offre globale ?

La raison d’être de la Banque Triodos est de « susciter un changement positif dans la société par le financement des entreprises et des organisations ». La croissance continue de sa clientèle suscite à la fois de nouvelles questions et de nouvelles opportunités.

L’offre de produits et services dans l’ensemble du groupe s’est étoffée de manière régulière au cours des dix dernières années, tant au profit des particuliers que des entrepreneurs, mais de manière différenciée selon les succursales.

Outre l’épargne et les placements durables, toutes les succursales proposent aujourd’hui des crédits hypothécaires durables. Plus votre habitation (nouvelle construction ou rénovation) est économe en énergie et écologique, plus votre crédit est avantageux. Avec cette formule unique, la Banque Triodos contribue de manière effective à une approche durable en matière de logement.

Les succursales néerlandaise, espagnole et britannique proposent à leur clientèle un compte à vue pour les particuliers. En Belgique également, la Banque Triodos étudie les possibilités d’élargir son offre et, à terme, elle compte y lancer un compte à vue offrant des facilités de paiement. La Banque Triodos examine la situation pays par pays, en fonction de l’environnement local. Le compte à vue pour particuliers n’est introduit sur un marché que lorsque les coûts y afférents ne menacent pas la rentabilité de la banque. Jusqu’à présent, dans le cas de la Banque Triodos Belgique, les coûts liés à un compte à vue doté de cartes de paiement représentent une charge financière trop importante.

4. Introduire des valeurs sur le marché des capitaux ?

« Après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, les clients de la banque nous questionnaient sur les décisions que nous allions prendre. Allions-nous leur offrir l’opportunité d’investir dans les énergies alternatives ? », se remémore Peter Blom, CEO de la Banque Triodos, qui avait, à cette époque, commencé à travailler pour la banque en qualité de bénévole.

Les défis sociétaux sont le point de départ de l’esprit original et innovant de la Banque Triodos. La période qui a suivi cette catastrophe nucléaire a vu le développement de nouvelles technologies dans le secteur de l’énergie éolienne. Les crédits alloués à ce secteur présentaient à cette époque de multiples risques pour les banques. La Banque Triodos a donc constitué une société autonome, Triodos Ventures, qui a joué un rôle de pionnier dans le financement des projets éoliens, a engrangé de l’expertise dans ce domaine et a généré de bons résultats.

Ce développement a permis à la banque d’élargir et de pérenniser son soutien au secteur éolien, mais a aussi débouché sur la création du Triodos Wind Energy Fund, un fonds spécialisé dans l’énergie éolienne. Autrement dit, il y avait là un nouveau secteur dans lequel la Banque Triodos pouvait générer un impact sociétal positif. « Au début des années 1990, lorsque la banque a lancé ses premiers fonds d’investissement verts, l’investissement socialement responsable (ISR), qui a, depuis, trouvé sa place tant aux États-Unis qu’en Europe, était encore un concept relativement neuf », souligne Katrin Käufer.

Grâce à cette approche et à d’autres étapes importantes franchies par la banque dans différents domaines, comme les microcrédits par exemple, la Banque Triodos a pu cibler un autre terrain d’action lui permettant d’accroître encore plus son impact : les marchés des capitaux, qui exercent une influence considérable sur l’économie et la société.

Au début des années 1990, lorsque la banque a lancé ses premiers fonds d’investissement verts, l’investissement socialement responsable (ISR) était encore un concept relativement neuf.
Katrin Käufer

Cette décision a été largement débattue au sein de la banque. Rosl Veltmeijer, Head of Research de Triodos Investment Management, qui gère les fonds d’investissement du groupe Triodos, en explique les fondements. « Investir sur le marché des capitaux signifie investir dans de grandes entreprises. » Afin d’exercer une influence sur ce marché important et sur les entreprises qui y font appel, la Banque Triodos a créé sa propre procédure de sélection des entreprises. Celle-ci se différencie du processus de sélection mis en place pour l’octroi de crédits car ce n’est pas l’argent des épargnants qui est en jeu ici, mais celui des investisseurs individuels. Le contexte est aussi très différent.

Dans les fonds d'investissement socialement responsable (ISR) actuels de Triodos, on trouve également des entreprises cotées en Bourse qui sont sélectionnées suivant une approche 'best-in-class', en combinaison avec des critères d’exclusion stricts. Les entreprises sélectionnées sont celles qui affichent les meilleures performances de leur secteur sur les plans social, environnemental et en matière de gouvernance. La Banque Triodos engage également le dialogue avec les dirigeants de ces entreprises et souhaite ainsi encourager l’usage de pratiques toujours plus durables.

Certains secteurs (tels que la production d’énergie fossile, l’énergie nucléaire ou la production d’armes, par exemple) sont d’emblée exclus. Ce n’est pas le cas, par définition, du secteur automobile. Rosl Veltmeijer : « Nos clients roulent en voiture, c’est une réalité. Lorsque nous avons lancé les fonds, de nombreuses organisations ont réagi, nous accusant d’investir dans des secteurs scandaleux. Notre réponse est que nous ne voulons pas devenir une icône. Nous souhaitons engager le dialogue, notamment au sujet des véhicules automobiles, car ce secteur joue un rôle-clé dans la question climatique. En sélectionnant les entreprises les plus durables, nous favorisons l’amélioration des pratiques dans le secteur. »

5. Discours facile ou engagement actif ?

La croissance de la Banque Triodos et l’élargissement de ses relations au-delà d’un cercle de proximité ont nécessité de nouveaux outils permettant de communiquer au sujet des raisons de sa création et de ses activités. Plutôt que de publier des messages publicitaires creux, la banque a une nouvelle fois privilégié une approche authentique pour sa communication. Elle a donc ajouté à son site web une page d’information au sujet des projets financés avec l’argent des épargnants.

De cette façon, les clients peuvent voir à quoi sert leur argent et ont une meilleure vision du rôle qu’eux-mêmes jouent. Ce qui conduit à un exercice responsable et engagé du métier de banquier.

C’est pourquoi la banque entend toujours montrer le plus clairement possible que sa mission est absolument indissociable de son offre de produits et services. Avantages économiques, promotions et cadeaux ne sont pas prioritaires dans son offre.

6. Organisation : status quo ou renouveau culturel ?

« Tout le monde s’accorde à dire que les bonus ne sont pas un instrument correct. Bon nombre d’entreprises ne trouvent néanmoins pas d’alternative valable, si bien que tout le monde continue à en faire usage. Puisque nous savons que les bonus ne sont pas une bonne chose, nous ne les utilisons pas », commente Els Verhagen, directrice des ressources humaines de la Banque Triodos.

Soumise à la tentation d’utiliser en interne les avantages habituels du secteur bancaire, la banque a opté, conformément à sa mission, pour une politique de rémunération où le fait de prendre de plus grands risques n’entraîne pas des salaires plus élevés.

Plus de 1.270 collaborateurs constituent aujourd’hui le capital humain de la banque. En matière de  rémunération aussi, la Banque Triodos apparaît comme un outsider dans le paysage bancaire. En effet, le salaire le plus haut y est 9,8 fois plus élevé que le salaire le plus bas, un écart sensiblement plus faible que dans le secteur bancaire en général.

7. Sommes-nous arrivés à bon port ou continuons-nous à chercher ?

« Dans le secteur bancaire, la version 1.0 se caractérisait par la recherche d’une rentabilité élevée ; la version 2.0, par la volonté de régulariser les effets externes négatifs de la version 1.0 ; la version 3.0 sera celle de la banque qui utilise sa position dans le système économique pour relever les défis sociétaux », écrit Katrin Käufer dans l’étude du MIT CoLab.

Poursuivant sur sa lancée initiale résolument innovante, la Banque Triodos continue à rechercher des formules permettant de renouveler la société par le biais des échanges financiers, bien au-delà de la stricte activité bancaire.

La Banque Triodos souhaite contribuer au développement d’un nouveau modèle économique, raison pour laquelle elle noue volontiers le dialogue avec ses clients et toutes les personnes favorables à cette transition. Faites-nous connaître votre opinion en postant un message sur notre page Facebook.

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