L’objectif du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles vise à créer le cadre juridique nécessaire, actuellement inexistant, à l’élimination accélérée des combustibles fossiles. L’initiative est soutenue par plus de 3.000 scientifiques et universitaires, 101 lauréates et lauréats du Prix Nobel, l’Organisation mondiale de la santé, des centaines de personnes travaillant dans le secteur de la santé, des milliers d’organisations sociales et un nombre croissant d’entreprises. Entre-temps, plus de 600.000 personnes ont déjà signé l’appel – et vous aussi, vous pouvez également rejoindre le mouvement en signant ici

La Banque Triodos est la première banque à rejoindre cette campagne mondiale. Dans une lettre ouverte adressée aux autorités belges et aux responsables européens du Climat et de l’Énergie, nous leur demandons de s’engager, lors de la prochaine COP28 à Dubaï, pour la création d’un traité international juridiquement contraignant. Par ailleurs, nous appelons aussi les autres institutions financières à soutenir  également l’initiative du traité
 

Pourquoi avez-vous lancé cette initiative ? Comment a-t-elle démarré ? 

Je travaille depuis plus de 30 ans sur les problèmes liés au changement climatique et à l’environnement.  J’ai décidé de démarrer l’initiative du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles* à partir de ma propre expérience en tant que conseillère politique auprès du gouvernent canadien. D’un côté, le gouvernement œuvrait à réduire la pollution par le carbone et à créer un plan climat, et de l’autre, il continuait à accorder de nouvelles licences de forage pétrolier et de fracturation pour l’extraction du gaz. Il n’avait simplement pas conscience qu’au-delà de limiter les émissions, il lui incombait aussi d’agir au niveau de la production.

Il m’est également apparu clairement qu’il est difficile pour un pays d’agir seul. Tous les états savent que nous devons arrêter l’expansion et supprimer progressivement les combustibles fossiles si nous voulons garantir la sécurité climatique ; mais pourtant, ils veulent tous vendre le  le dernier baril de pétrole. J’ai commencé à essayer de comprendre quels  mécanismes de coopération mondiale existaient pour résoudre ce problème. J’ai réalisé que l’Accord de Paris ne mentionnait même pas le terme« combustibles fossiles », ni même les mots pétrole, gaz ou charbon. Les combustibles fossiles ne sont pas cités une seule fois, alors qu’ils sont responsables de 86% des émissions de carbone au cours de la décennie écoulée. Au-delà d’être une menace pour le climat, ils mettent également en péril l’économie, la santé, la paix et les droits humains à l’échelle mondiale.

Avec son objectif lié à la température, l’Accord de Paris établit une référence pour l’action climatique mondiale. Toutefois, malgré une approche en demi-teinte, , les états et les entreprises ont encore pu revendiquer un rôle de leader dans les enjeux climatiques tout en continuant à soutenir de nouveaux projets de combustibles fossiles. Récemment, le Rapport 2023 de l’ONU sur la production de combustibles fossiles (UNEP) a confirmé que les plans de production de ces ressources compromettent bel et bien les possibilités d’atteindre les objectifs climatiques fixés au niveau mondial. Le rapport révèle qu’en dépit de leurs engagements envers le climat, les états prévoient toujours de produire environ 110% de combustibles fossiles en  plus d’ici 2030 par rapport à ce qui serait nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

S’appuyant sur ces faits, ainsi que sur les meilleures pratiques des précédentes campagnes en faveur d’un traité, et sur les combats menés par les communautés présentes en première ligne, l’initiative pour le Traité de non-prolifération des combustibles fossiles a pris son essor en 2019 grâce à l’attribution d’un prix « Climate Breakthrough » (percée climatique). Aujourd’hui, le projet est porté par unComité de pilotage très diversifié, une équipe de soutien internationale, et soutenu par un réseau large et diversifié d’organisations de la société civile.

Pourquoi est-ce important ? 

En premier lieu, ce que propose le Traité sur les combustibles fossiles est important parce que cela répond à l’urgence et au gigantesque défi posé par la crise climatique. Le Traité s’attaque à la source même du problème à propos duquel le monde scientifique alerte les dirigeants mondiaux depuis plusieurs décennies : la production de pétrole, de gaz et de charbon. Que ce soit l’UNEP cité plus haut, le Rapport du GIECou encore l’IEA – qui a plutôt tendance à adopter des positions conservatrices en matière d’énergie –, tous s’accordent à dire que la production actuelle de combustibles fossiles est incompatible avec l’avenir de l’humanité. Le mois dernier, l’édition 2023 des perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook 2023) a confirmé que le contexte macroéconomique prévoitun déclin mondial plus tôt que prévu de la demande de combustibles fossiles. Cela  indique clairement que l’abandon progressif des combustibles fossiles est incontournable pour éviter un chaos climatique, mais aussi économique.   

L’initiative du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles fournit un plan d’abandon progressif et équitable qui repose sur la coopération internationale et sur 3 piliers clés :

  • LA NON-PROLIFÉRATION : arrêter l’expansion des nouveaux sites d’extraction de charbon, de pétrole et de gaz
  • ABANDON PROGRESSIF ET ÉQUITABLE de la production actuelle, en ligne avec l’objectif 1,5°C
  • TRANSITION JUSTE : soutenir et financer une transition mondiale vers les énergies renouvelables ne négligeant aucun travailleur, aucune communauté ni aucun État

Pour mettre un terme à la dépendance aux combustibles fossiles, il faut des accords de coopération internationale qui soutiennent des voies de développement non basées sur l’extraction de combustibles fossiles, l’exclusion et l’exploitation par les pays riches soucieux de préserver leur influence économique et politique. Les pays du Nord de la planète sont des contributeurs historiques à la crise climatique ; c’est pourquoi ils ont la responsabilité d’opérer les premiers la transition, plus rapidement, tout en soutenant les économies dépendantes des énergies fossiles où la capacité de transition est moindre.

Le Traité sur les combustibles fossiles pourrait fournir le cadre juridique manquant pour favoriser les opportunités économiques durables, en particulier dans les pays et communautés les plus impactés et les moins responsables. Il s’agirait d’une première étape fondamentale pour garantir l’accès aux droits de l’homme et à la vie !

Pourquoi est-il important que le secteur financier se joigne à l’initiative ? 

La stabilité du climat est essentielle pour tous les secteurs, y compris le secteur financier.. Toutefois, ce dernier en particulier a un rôle essentiel à jouer pour garantir une transition sûre et équitable vers l’abandon des combustibles fossiles. Aujourd’hui, trop d’argent continue à être investi dans l’expansion des combustibles fossiles, ce qui encourage et participe à la poursuite de la destruction du climat.

 

LeTraité sur les combustibles fossiles jouera un rôle important dans l’orientation du secteur financier, en supprimant  les obstacles à la transformation des modèles d’entreprises et en créant des conditions de concurrence plus équitables. Il contribuera à créer un paysage politique qui encourage de nouveaux modèles de financement, délaissant les  combustibles fossiles au profit des énergies renouvelables et d’une plus grande diversification. Sans traité sur les combustibles fossiles, la croissance constante de l’offre et de la production de combustibles fossiles risque de réduire à néant les progrès réalisés jusqu’à présent, en créant des « actifs échoués », et pourrait augmenter la probabilité de dépasser les budgets carbone qu’il nous reste.

Bien que les entreprises du secteur soient de plus en plus impliquées,  leur intégrité est de plus en plus remise en question en raison de leur impact limité sur la réduction des émissions absolues à ce jour, de leur dépendance excessive aux technologies n’ayant pas encore fait leurs preuves à grande échelle, et de leur incapacité à s’attaquer aux causes profondes de la crise climatique.

Nous sommes ravis que la Banque Triodos soit la première banque à soutenir l’appel en faveur du Traité de non-prolifération des combustibles fossiles. la Banque Triodos nous montre le rôle spécifique que les institutions financières peuvent jouer en ne soutenant pas la production dangereuse de combustibles fossiles ,et au contraire en soutenant activement des sources d’énergie plus propres et plus équitables.

Qui sont les autres soutiens du Traité ? 

La campagne pour le Traité sur les combustibles fossiles a été lancée il y a tout juste trois ans. Et nous bénéficions d’un soutien croissant de la part  d’acteurs issus de divers horizons.  

Le réseau mondial qui soutient la campagne compte à ce jour 2.000 entités de la société civile, plus de 3.000 scientifiques et universitaires, 101 lauréats et lauréates du prix Nobel, l’Organisation mondiale de la Santé et des centaines de professionnels de la santé, un Cardinal du Vatican et des milliers d’institutions religieuses, un nombre croissant d’associations indigènes et de jeunes activistes, 100 villes dont Los Angeles, Kolkata, Lima, Vancouver et Sydney, plusieurs grandes villes d’Europe parmi lesquelles Londres, Varsovie, Amsterdam, Barcelone et Paris, plus de 600 Parlementaires du monde entier ainsi que le Parlement européen, et aussi un nombre croissant d’entreprises.

Fin 2022, le soutien à l’initiative a fait son entrée sur la scène politique internationale lorsque deux États-nations ont officiellement appelé au développement d’un Traité sur les combustibles fossiles : Vanuatu et Tuvalu, que 6 autres pays ont rejoints cette année. L’appel à la création d’un Traité est donc à présent soutenu par un bloc de 8 pays du Pacifique, des Caraïbes et d’Asie du Sud.

Quelles sont vos attentes par rapport à la COP28 ? 

Des discussions sont en cours avec d’autres gouvernements et nous espérons que certains d’entre eux nous rejoindront à la COP28 ou au début 2024. 

Ce dont nous avons besoin à présent, à la COP28 et plus largement dans les institutions internationales en charge de la gouvernance climatique, c’est une volonté politique de la part des décideurs. L’idée selon laquelle l’élimination progressive des combustibles fossiles n’est pas réalisable par manque de moyens financiers ou techniques est fausse. Nous disposons de suffisamment de ressources financières, d’une production de combustibles fossiles suffisante et d’un potentiel d’énergies renouvelables suffisant dans toutes les régions du monde pour garantir une transition équitable vers un monde sans combustibles fossiles.

Quelles sont les prochaines étapes que vous aimeriez voir se réaliser ? 

À présent, notre priorité est de constituer un groupe de pays clés qui puisse obtenir un mandat de négociation pour un traité sur les combustibles fossilesÀ ce stade, nous restons très ouverts quant à la forme que pourra prendre cette étape, mais ce qui est certain, c’est que nous devons continuer à maintenir la pression sur les gouvernements afin qu’ils prennent de véritables mesures en faveur du climat. Et nous devons impliquer le plus grand nombre d’organisations et de personnes possible pour initier cette transition au plus vite.