Près de la moitié des fonds d’actions européens qui se prétendent « durables » ou « vert foncés » investissent dans des activités nuisibles pour le climat, comme le secteur des énergies fossiles et du transport aérien, selon une enquête journalistique internationale*. Faut-il alors se résigner à voir notre argent contribuer à l’aggravation de la crise climatique ? Ou se détourner des fonds « verts » pour se préoccuper exclusivement de rendement ? Certainement pas, selon Éric Florin, Senior Relationship Manager chez Triodos. 

« Zéro cent dans les fossiles »

À la Banque Triodos, les énergies fossiles sont tout simplement exclues des fonds d’investissement, au même titre que d’autres secteurs controversés. « Nous investissons zéro cent dans le fossile », souligne Éric Florin.  

Outre des exigences minimales strictes, l’investissement selon Triodos se base sur une approche positive des questions environnementales et sociales, à travers l’investissement à impact. Explication : « Nous commençons par sélectionner des entreprises qui proposent des solutions et produits contribuant positivement à la société, tant sur le plan social – ou sociétal – qu’environnemental », explique Éric Florin. Dans cette approche, la dimension climatique est naturellement essentielle : « Nous nous demandons en quoi, concrètement, ce que fait l’entreprise permet d’éviter le réchauffement, dans le cadre des objectifs de Paris d’une limitation de la hausse moyenne des températures à 1,5°C ». 
 

Énergies renouvelables et économie circulaire

Pour concrétiser cette approche positive, Triodos a identifié 7 thématiques de transition prioritaires. Pour être éligible, une entreprise doit contribuer à au moins un de ces thèmes. « Deux de nos thèmes de transition sont directement liés à la lutte contre le dérèglement climatique : les énergies renouvelables et l’économie circulaire », précise Éric Florin. 
 

En matière d’énergies renouvelables, 586 projets ont été financés ou cofinancés par Triodos en 2021 (par l’investissement et le crédit), ce qui a permis d’éviter 851 kilotonnes d’émissions de CO2**. Quant à l’économie circulaire, « elle implique une transformation profonde de nos modèles de production et consommation, de façon à privilégier des objets qui durent longtemps, sont réparables et recyclables ». L’exemple de Philips Lighting est… éclairant ! Éric Florin : « Cette société vend désormais des lumens à ses clients professionnels, plutôt que des ampoules et lampes, ce qui l’oblige à améliorer continument l’efficience et la durée de vie de ses produits ».

D’autres thèmes de transition concernent le climat indirectement. C’est le cas de l’agriculture et l’alimentation durables. Éric Florin : « Nous excluons de nos investissement l’élevage intensif, tout en privilégiant des alternatives. Ainsi, nous investissons dans une entreprise qui produit du saumon de manière durable. Cela permet de fournir des protéines de haute qualité avec un impact réduit : 1 kg de saumon requiert en effet 20 fois moins d’énergie que la même quantité de bœuf. » 

Nous entrons ici dans une zone où la nuance est de mise, car toute méthode de production génère un impact. Or, rappelle Éric Florin, « Il faut bien nourrir chaque être humain, et nous serons 10 milliards à l’horizon 2050 ». C’est pourquoi Triodos inclut aussi dans ses fonds des sociétés qui ont des impacts négatifs, mais qui ont pris des engagements ambitieux en matière de réduction de leurs émissions et de transformation de leurs procès de production. « En tant qu’actionnaire engagé, Triodos accompagne ces entreprises dans leur trajet vers la durabilité, en leur demandant de rendre des comptes et en les poussant à aller toujours plus loin. Et cela donne des résultats. »

La transparence : un combat crucial

"Bien que le cadre SFDR doive encore être amélioré, il force les acteurs financiers à plus de transparence, ce qui est essentiel dans la lutte contre le changement climatique." Photo : Carole Detroz

Revenons à ces produits d’investissement qui se prétendent plus verts qu’ils ne le sont. En un mot : le greenwashing. Ici encore, Éric Florin prône une approche positive. « Tout cela montre que les choses sont en train de bouger. Il y a désormais un marché de client·es qui ne veulent plus confier leur argent à leur banque en fermant les yeux. » Triodos estime que la mise en œuvre et le développement en cours du nouveau cadre réglementaire européen « SFDR » (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui impose plus de transparence quant aux objectifs durables revendiqués par les acteurs financiers, est un pas en avant important. 
 

Ce cadre distingue trois catégories de produits financiers : les fonds article 6 ou fonds gris (qui ne prennent pas en considération les aspects environnementaux et sociaux) ; les fonds article 8 ou fonds vert clair (intégrant certains critères de durabilité comme le score ESG des entreprises) ; et les fonds article 9 ou fonds « vert foncé ». Seuls ces derniers font du développement durable et de la résilience climatique un objectif en soi. «  Tous les fonds d’investissement Triodos sont durables au sens strict de l’article 9 au regard de la règlementation SFDR », souligne Éric Florin.

La vague verte est en route…

« Bien que le cadre SFDR doive encore être amélioré, il force les acteurs financiers à plus de transparence, ce qui est essentiel dans la lutte contre le changement climatique ». La transparence passe aussi par le reporting. « Triodos mesure l’impact de ses fonds. Nous avons ainsi pu établir que l’un de nos fonds, spécialisé dans les petites sociétés durables, génère 72% d’émissions de CO2 en moins que le benchmark. » 
Si les investissements vert foncé pèsent aujourd’hui moins de 5% du marché, les avancées législatives en cours ont déclenché une vague verte dans le secteur. Avec son univers d’investissement restrictif et maîtrisé, Triodos continue d’œuvrer pour changer le modèle financier de l’intérieur. Pas simple, mais l’horizon est désormais plus clair : « Demain, chaque investisseur ou investisseuse pourra choisir ses investissements de manière plus éclairée, et se dire : « voilà comment mon argent contribue à rendre le monde un peu meilleur ». 

* « The Great Green Investment Investigations ». Voir notamment l’article « Près de la moitié des fonds verts investissent dans des entreprises polluantes », du 29 novembre 2022, dans L’Écho.
** Annual Report 2021