Construction circulaire : opportunités et obstacles

Siège de la Banque Triodos aux Pays-Bas. Un exemple avant-gardiste de construction circulaire. Photo : Bert Rietberg

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La construction circulaire présente deux avantages évidents : lutter contre la pénurie de matières premières et les émissions de CO2 et, à terme, générer des avantages financiers pour les promoteurs immobiliers et les particuliers. Pourtant, la construction circulaire rencontre encore beaucoup de réticences. D’où viennent-elles ? Quels sont les obstacles ? Analysons le pour et le contre.

D’après le Global Circularity Report, présenté début 2018 par Circle Economy, plus de 90% des matières premières utilisées dans le monde sont jetées à la poubelle à la fin de leur vie. Ce pourcentage est cependant bien inférieur dans le secteur de la construction. Selon le CSTC, le secteur de la construction belge réutilise même la majorité des déchets qu’il produit. Néanmoins, les projets de construction complètement circulaires ne sont pas encore légion dans notre pays. Dommage, au vu des opportunités offertes par la construction circulaire, mais également compréhensible, compte tenu des obstacles auxquels ce principe innovant se heurte encore aujourd’hui.

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Le nouveau siègle de la Banque Triodos aux Pays-Bas applique les principes de la construction circulaire. Explications de l'architecte Thomas Rau dans cette vidéo. 

Points de force

Les opportunités sont évidentes. Lorsque nous construisons de manière circulaire, nous n'épuisons pas les matières premières car le cycle des matériaux est une boucle fermée. La réutilisation des matériaux est un élément essentiel. Nous réduisons aussi les émissions de CO2, car nous n’avons plus besoin de produire de nouveaux matériaux, et nous construisons de manière beaucoup plus économe en énergie. Notre planète en profite donc à plusieurs niveaux.

Cette réutilisation des matériaux offre également des avantages financiers, en particulier pour les promoteurs. Dans un monde parfaitement circulaire, ils pourraient développer de nouveaux projets sur base des matériaux de projets antérieurs arrivés en fin de vie. Et cela de manière continue...

Mais l'avantage budgétaire ne se situe pas uniquement dans la réutilisation des matériaux. En effet, la construction circulaire implique également une approche différente au niveau de la construction en elle-même. Réutiliser des matériaux, c'est bien, mais c'est encore mieux lorsqu’on peut retarder cette réutilisation. Les architectes peuvent le faire en concevant le moins de fonctions possible. Il faut veiller à ce que le bâtiment puisse facilement recevoir une ou plusieurs fonctions différentes dans le futur, par exemple en concevant des murs faciles à déplacer et en réfléchissant à l’emplacement de la tuyauterie et des gaines électriques. Ainsi, lorsqu'un immeuble de bureaux en fin de vie n'a plus aucune valeur pour un promoteur, il peut être converti en lieu résidentiel à appartements : une nouvelle affectation donc pour le bâtiment, au lieu d’une démolition. Il va sans dire que l’immeuble a bel et bien de la valeur pour le promoteur, qui peut le réutiliser lui-même ou le revendre facilement. Il sera également plus facile pour les particuliers de vendre leur maison conçue de manière circulaire, car les rénovations devront y être moins importantes et les acheteurs pourront ainsi consacrer davantage d’argent à l’achat de l’habitation.

Construction circulaire - Banque Triodos
La construction circulaire implique de concevoir des espaces qui pourront remplir des fonctions différentes au cours du temps. 

Points bloquants

Néanmoins, la construction circulaire se heurte à de nombreux obstacles. Au niveau juridique, tout d’abord. L’un des axes principaux de l’Accord de Paris sur le climat consiste à réduire considérablement l’impact des bâtiments sur l’environnement. La construction circulaire est le moyen idéal pour y arriver. Mais de nombreuses personnes trouvent que cet accord n’est pas assez ambitieux. Conséquence d’un Accord sur le climat ‘trop tendre’, les maîtres d’ouvrage des marchés publics continuent à privilégier les prix les plus bas au lieu d’accorder de l’importance à la durabilité. Les projets basés sur les méthodes de construction traditionnelles l’emportent donc très souvent sur les concepts circulaires, qui sont généralement plus chers au départ et ne deviennent économiquement intéressants qu'après des décennies. Les pouvoirs publics devraient faciliter la construction circulaire mais, pour le moment, ils ne le font pas (assez).

La servicialisation ou "le produit en tant que service" 

Pour que la construction circulaire devienne une méthode courante, nous devons évoluer vers un monde où les produits sont proposés ‘en tant que service’. Dans un tel monde, les producteurs ne vendent plus leurs produits, mais ils offrent des services liés à ces produits. Au lieu de luminaires, le consommateur achète de la lumière, au lieu d’une chaudière, il achète de la chaleur, etc... Le producteur récupère le produit à la fin de sa durée de vie afin de le réutiliser, au moins partiellement. Une fois le système ‘produit en tant que service’ mis en place, il est financièrement plus avantageux que le modèle économique consumériste actuel, tant pour le producteur que pour le client. Le client n’a pas à investir dans l’installation et le producteur fait d’une pierre deux coups : il génère un flux de revenus à long terme en percevant une somme mensuelle auprès de l’utilisateur et les produits qu’il fabrique devront être beaucoup plus durables. Car le producteur veut éviter de devoir réparer le produit pendant la durée du contrat et il veut aussi pouvoir réutiliser ce produit ultérieurement.

La structure du nouveau siège de la Banque Triodos est assemblée de façon à pouvoir être  éventuellement démontée.

Pourtant, le ‘produit en tant que service’ reste actuellement limité à quelques timides expériences. Lors d'une table ronde sur la construction circulaire organisée début 2019 par architectura.be, les raisons de cette tiédeur ont été clairement exposées. Pour Eric Van de Heyning, de WoodInc, « Dans ce type de projets, on a idéalement besoin de mesures, de produits et de tailles identiques. Les portes doivent toujours avoir les mêmes dimensions, et n’utiliser qu’un seul type de système de montage ou de vis… Mais une standardisation aussi poussée n'existe pas pour l'instant, de sorte que le ‘produit en tant que service’ ne décolle pas vraiment. »

La transition vers le ‘produit en tant que service’ est également freinée pour une raison financière. Selon Caroline Christiaens, de Tata Steel, « la plupart du temps, les maîtres d’ouvrage ne pensent pas à long terme. Nous vivons dans une culture du ‘tout-à-jeter’. Il est souvent moins coûteux d'acheter un nouveau manteau chaque année que d'investir une seule fois dans un modèle de meilleure qualité et durable, que l’on pourra porter plus longtemps. Par souci de commodité, nous soutenons inconsciemment le dumping économique et écologique. »

La façade du nouveau siège de la Banque Triodos est constituée d'éléments assemblés et facilement démontables.

Une autre raison pour laquelle, à son avis, le ‘produit en tant que service’ se développe lentement est le cadre juridique de la propriété. « Aujourd'hui, la façade fait partie intégrante du bâtiment. Le cadre légal devrait toutefois permettre de considérer des matériaux utilisés pour l’étanchéité au vent et à l’eau de cette façade comme un matériau distinct qui peut être enlevé. »

Un immeuble circulaire dure plus longtemps qu'un immeuble ‘normal’. Il génère donc plus de revenus locatifs pour le propriétaire. Mais, comme il implique généralement des coûts d'investissement plus élevés, vous devez être convaincu de ces avantages à long terme. Chez Triodos, nous y croyons, mais de nombreuses banques bloquent toujours sur cette question
Didier Léon, Senior Relationship Manager à la Banque Triodos

Un nouveau modèle financier pour les constructions circulaires

La construction circulaire crée donc de nouveaux modèles économiques, et donc également de nouveaux modèles de financement. « Le financement actuel de l'immobilier est basé sur la durée de vie limitée d'un immeuble », déclare Didier Léon, Senior Relationship Manager à la Banque Triodos. « Puisqu'un immeuble circulaire dure plus longtemps qu'un immeuble ‘normal’, il génère plus de revenus locatifs pour le propriétaire. Ceci est un élément positif dans le cadre de l'évaluation du crédit, car il est important pour le banquier que le bâtiment rapporte suffisamment afin que le propriétaire puisse rembourser son crédit. Mais, comme un bâtiment circulaire implique généralement des coûts d'investissement plus élevés, vous devez, en tant que prêteur, être convaincu de ces avantages à long terme. Chez Triodos, nous y croyons, mais de nombreuses banques bloquent toujours sur cette question. »

Le financement de la servicialisation

« Lorsqu’elle accorde un crédit pour la construction d’une habitation, une banque se base sur la valeur de ce bâtiment en cas de vente forcée. Mais quelle est la valeur d’un immeuble dont les matériaux sont des "produits en tant que service" ? Ces matériaux font partie du bâtiment, mais ils restent la propriété des fabricants.»

Lorsqu’elle accorde un crédit pour la construction d’une habitation, une banque se base sur la valeur de ce bâtiment en cas de vente forcée. Mais quelle est la valeur d’un immeuble dont les matériaux sont des "produits en tant que service" ?
Didier Léon, Senior Relationship Manager à la Banque Triodos

Selon Didier Léon, dans le cas des ‘produits en tant que service’, financer les investissements d'un fabricant doit reposer sur une philosophie totalement différente. « S’il commence à proposer un 'produit en tant que service', un producteur aura davantage de dettes. Il ne génèrera pas immédiatement beaucoup de flux de trésorerie, mais bien des revenus locatifs. Sa banque devra donc attendre plus longtemps pour récupérer l’argent prêté. De plus, le producteur devra s'assurer que son produit est toujours à jour, et il conclura pour cela des contrats de sous-traitance avec d'autres fournisseurs. C’est aussi quelque chose de difficile à intégrer pour une banque. »

Un changement de mentalité nécessaire

Conclusion : les obstacles ne sont pas insurmontables. L’évidence des avantages financiers se renforcera au fil des ans, l'argent mettant toujours les choses en mouvement. Cependant, la conviction que la construction circulaire, avec son impact environnemental plus faible, constitue une solution aux problèmes climatiques, doit encore faire son chemin. Et c’est bien lorsque cet état d’esprit aura changé que la voie à une construction circulaire sera totalement ouverte.

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