En 50 ans, les populations animales ont reculé de 69% 1. L’IPBES2, équivalent du GIEC pour la biodiversité, a épinglé 5 facteurs principaux de cet effondrement : destruction des habitats naturels (urbanisation, agro-industrie…) ; surexploitation des ressources (déforestation, surpêche…) ; changement climatique ; pollution (pesticides, engrais, plastique…) et espèces envahissantes. Tous ces facteurs renvoient à une cause unique : l’activité humaine. Il convient donc de s’attaquer aux racines profondes de cette destruction, et notamment à un modèle de production et de consommation incompatible avec une planète en bonne santé.

Des écosystèmes à notre service ?

La biodiversité ne se réduit pas à un décompte d’espèces. Animaux, plantes et microbes forment un tissu  complexe fait d’interdépendances multiples. Tout cela concourt à des écosystèmes résilients qui fournissent des « services écosystémiques », allant de l’approvisionnement en nourriture et en eau potable à la régulation du climat et la décomposition des déchets, en passant par les bienfaits psychologiques et les richesses culturelles nés de nos interactions avec la nature.

Mais ces bénéfices sont souvent invisibles, comme l’entretien de sols fertiles par des micro-organismes (25% de la biodiversité se cache dans le sol3), ou ils se révèlent trop tard, par exemple quand la disparition des mangroves expose les communautés côtières aux destructions de cyclones. Triodos part donc du principe que le recul de la biodiversité est une menace existentielle pour les sociétés humaines.

Un paradigme économique délétère

La « science économique classique » considère les services écosystémiques comme gratuits et inépuisables, de sorte que la valeur de ces « externalités » n’est pas intégrée dans l’équation des prix. Mais même lorsqu’on a admis que ce paradigme était inadéquat, il reste qu’il est difficile de mesurer l’état de la biodiversité et encore plus de donner une valeur précise à ses services, les écosystèmes étant hautement complexes et interconnectés. D’ailleurs, est-il légitime d’attribuer une valeur comptable à la nature ? Il y a cependant un domaine où les acteurs financiers commencent à mesurer la gravité du problème, c’est celui du risque. Selon le forum économique mondial, près de la moitié du PIB global dépend de la nature4. Dès lors, le déclin de la biodiversité expose les actifs financiers à des différents types de risques :

  • risques physiques : la continuité d’une activité est compromise ;
  • risques de transition : de nouvelles législations laissent des actifs échoués ;
  • risques de réputation : pour les investisseurs impliqués dans des activités controversées.

Inversement, la finance a aussi un impact sur la nature. Celui-ci est largement négatif, mais cela peut – et doit – changer. Avec 4.000 milliards d’actifs en crédits et investissements, le secteur dispose de moyens considérables pour agir positivement. C’est une question de volonté.

Que fait Triodos ?

Triodos veut agir sur les causes du recul de la biodiversité à travers sa stratégie d’investissement. Cette volonté se traduit à plusieurs niveaux.

(1) Exclure les activités nuisibles.
Les normes minimales de Triodos sont parmi les plus sévères du secteur. Elles impliquent l’exclusion d’entreprises provoquant des dommages environnementaux sévères. Ainsi, seule l’exploitation forestière durable est admise et les secteurs potentiellement liés à la déforestation, comme le soja ou l’huile de palme, doivent obtenir des certifications ou mener des politiques anti-déforestation. Des certifications sont également exigées pour la pêche et l’aquaculture. Le secteur des énergies fossiles, ou encore la production et la vente de pesticides, sont exclus.

(2) Financer la transition.
Triodos utilise l’investissement pour favoriser la transition vers une économie durable, en ciblant des thèmes prioritaires. C’est le cas de l’agriculture et de l’alimentation, où Triodos soutient des acteurs qui travaillent avec la nature et non contre elle. Triodos investit également dans les énergies renouvelables, pour lutter contre le dérèglement climatique. La réduction de l’impact est visée à travers le thème de l’économie circulaire et celui de l’habitat et des infrastructures durables. Ainsi, la société japonaise Sekisui House, reprise dans un fonds Triodos, développe des maisons zéro énergie tout en menant un vaste programme de plantation d’arbres indigènes.

(3) Régénérer la nature.
Limiter l’impact ne suffit plus. Il faut désormais aussi investir dans la conservation et la restauration des écosystèmes. C’est ce qui a été fait avec la NRW.Bank, dont les obligations, reprises dans un fonds Triodos, ont permis la renaturation de la vallée de l’Emscher, en Allemagne, qui avait été transformée en égout à ciel ouvert. En quelques années, la faune et la flore ont recolonisé la rivière, tandis que des aménagements naturels réduisent les risques d’inondations.

(4) Transformer la finance.
Dans le cadre de son objectif « Change Finance », Triodos contribue à la transformation du secteur en plaidant pour des normes plus strictes et en oeuvrant à plus de transparence en matière d’impact sur la biodiversité. Triodos a ainsi cofondé le Finance for Biodiversity Pledge et le Partnership for Biodiversity Accounting Financials, qui compte désormais 47 membres pour près de 10 milliards d’euros d’actifs.

Un chantier immense, dont nous continuerons naturellement à vous informer.

1 World Wildlife Fund’s Living Planet Report 2022.
2 Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity. L’IPBES a publié un rapport de référence en 2019, intitulé Global assesment report on biodiversity and ecosystem services.
3 Decaëns T, Jiménez JJ, Gioia C et al (2006) The values of soil animals for conservation biology. Eur J Soil Biol 42:S23–S38