La production d’énergie renouvelable progresse doucement mais sûrement dans notre pays. En 2024, 29,8 % de l’électricité provenait de sources solaires et éoliennes, soit plus du double par rapport à 2019 (source : Elia). C’est encourageant, mais l’électricité ne se consomme pas toujours au moment où elle est produite, ce qui peut saturer le réseau.

L’Agence internationale de l’Énergie le souligne aussi : stocker l’électricité est indispensable pour réussir la transition énergétique. Plus nous produisons d’énergie verte, plus il devient crucial de pouvoir la stocker, idéalement à proximité de son lieu de production, comme dans les parcs éoliens, ou directement chez les particuliers. Alors, les batteries domestiques seraient-elles une partie de la solution ?

Indispensable à la transition énergétique

Le principe de la batterie domestique est simple : stocker temporairement l’électricité pour permettre aux ménages d’utiliser plus tard l’énergie produite, souvent grâce à des panneaux solaires sur leur toit. Cela s’avère particulièrement utile quand le soleil ne brille plus ou quand l’électricité est plus chère. Résultat : plus d’indépendance vis-à-vis du réseau (ce qui présente des avantages) et une utilisation optimale de l’énergie solaire. C’est aussi une façon de soulager le réseau électrique, car l’énergie produite à domicile ne doit pas forcément y être injectée. Ce genre de solution est précieux car le phénomène de congestion du réseau(c’est-à-dire un embouteillage sur le réseau électrique) devient de plus en plus fréquent.

Des acteurs comme Tesla, BYD ou Sonnen proposent déjà des batteries domestiques, et les prix, peu à peu, baissent. Une étude de l’université de Twente (Pays-Bas) montre que ces batteries, bien gérées, permettent de stocker efficacement l’énergie renouvelable. Elles seraient même plus efficaces que les grandes batteries centralisées, par exemple à l’échelle d’un quartier ou dans des stations de transformation, notamment parce qu’elles sont installées tout près de la source d’énergie (comme des panneaux solaires sur le toit), ce qui limite les pertes liées au transport.

Si le stockage est si crucial pour la transition énergétique, et si les batteries domestiques sont une solution efficace, il est donc logique que la Banque Triodos les soutienne, même si cette technologie a aussi ses zones d’ombre, qu’il ne faut pas ignorer.

Dommages environnementaux et pollution

Les batteries nécessitent des matières premières comme le lithium, le cobalt, le nickel ou les terres rares, dont l’extraction pose souvent problème. Pour donner un ordre de grandeur : produire une tonne de lithium génère 15 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 90 000 kilomètres parcourus en voiture diesel ! Et la demande va continuer de croître, ce qui entraînera forcément une intensification de l’extraction, souvent dans de nouveaux sites, avec tout ce que cela implique pour l’environnement.

La transformation de ces matières premières et la fabrication des batteries consomment aussi beaucoup d’énergie, souvent issue des énergies fossiles, et génèrent des émissions polluantes. Cela dit, il convient d’apporter une nuance : même les batteries les plus polluantes restent moins émettrices de CO2 que les alternatives à base de combustibles fossiles. Par exemple, sur l’ensemble de sa vie, une voiture électrique polluera moins qu’une voiture thermique. Mais il est clair que la technologie des batteries est loin d’être totalement propre.

Un recyclage encore insuffisant

La fin de vie des batteries pose aussi question. Aujourd’hui, le taux de recyclage reste trop bas, et un traitement inadapté des batteries usagées peut polluer sols et eaux. Pourtant, les batteries Li-ion se recyclent assez bien en théorie : lithium, cobalt, nickel peuvent être facilement récupérés pour de nouvelles utilisations. Le succès du recyclage des batteries plomb-acide prouve qu’on peut faire beaucoup mieux : aux États-Unis, on atteint 99 % de recyclage, et au sein de l’UE, au moins 65 %. Cela montre que des règles strictes et des incitants économiques sont efficaces.

Les taux de recyclage des batteries Li-ion sont pour l’instant nettement inférieurs, mais ils devraient augmenter. Le passeport numérique des produits de l’UE, qui permettra de suivre les matériaux et les composants des batteries tout au long de leur cycle de vie, devrait contribuer à cette amélioration.

Esclavage moderne

Les batteries présentent également un risque en termes de droits humains tout au long de la chaîne de production. Le travail forcé, les conditions de travail dangereuses et le travail des enfants suscitent de vives inquiétudes. Par exemple, 60 % du cobalt mondial provient de la République démocratique du Congo (RDC), où les droits humains sont loin d’être systématiquement respectés sur les sites d’extraction. Mais la problématique n’est pas limitée à ce seul pays. Selon une étude récente, si l’Europe tient ses objectifs climatiques à l’horizon 2040 (dans lesquels la technologie des batteries joue un rôle crucial), cela pourrait exposer près de 89 000 mineurs africains à des formes d’esclavage moderne. De plus, la chaîne d’approvisionnement manquant cruellement de transparence, cela complique les contrôles.

Malgré ces nombreuses préoccupations, la Banque Triodos a financé récemment un premier projet de batteries domestiques (voir encadré ci-dessous), ainsi que des projets de batteries à plus grande échelle. Pourquoi ? Tout tient à notre façon d’agir et aux conditions très strictes que nous imposons.

Limiter les risques

Soyons clairs : il n’existe pas de batterie totalement durable. C’est valable pour toutes les batteries, qu’il s’agisse de celles de nos maisons, de nos voitures, ou celle du smartphone ou de l’ordinateur sur lequel vous lisez ces lignes. Mais la réalité, c’est que nous en avons besoin, notamment pour réussir la transition énergétique. Cela veut-il dire que nous fermons les yeux sur les problèmes évoqués plus haut ? Pas exactement. Nous reconnaissons qu’il est aujourd’hui difficile d’éliminer totalement ces risques, surtout à cause du manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement. Mais nous avons plusieurs leviers à notre disposition pour réduire ces risques, voire, à terme, les éliminer.

Nous savons par exemple que les principaux risques pour les droits humains concernent l’extraction du cobalt, du nickel ou du manganèse. C’est pourquoi nous ne finançons plus les batteries contenant ces matériaux, d’autant qu’il existe d’excellentes alternatives comme les batteries LFP (lithium-fer-phosphate). Nous excluons aussi les projets liés à l’extraction minière en eaux profondes ou au sommet des montagnes, qui sont particulièrement destructeurs pour l’environnement.

Par ailleurs, nous travaillons main dans la main avec nos clients et d’autres acteurs de la chaîne pour encourager l’innovation vers des batteries plus durables. Ce domaine en pleine évolution va permettre de réduire la consommation d’énergie, les émissions de CO2 et la pollution. La batterie sodium-ion, par exemple, est une piste prometteuse : le sodium est un composant du simple sel de cuisine !

De nouvelles chaînes et plus de circularité

Les nouvelles technologies de batteries, comme le sodium-ion, pourraient rendre l’ensemble du secteur bien plus durable. Mais ce n’est pas la seule solution. Pour limiter les risques, il faut aussi miser sur des chaînes d’approvisionnement plus transparentes, soumises à une réglementation stricte. Aujourd’hui, l’extraction et la transformation des matières premières sont concentrées dans quelques pays. Au-delà du risque géopolitique que cela représente, cette dépendance à un nombre limité de pays nous prive de leviers d’action sur les effets sociétaux et environnementaux de ces matières premières. Développer de nouvelles chaînes permettrait d’améliorer la situation.

L’économie circulaire est aussi un axe essentiel. Réutiliser, réparer, recycler, récupérer les matières premières : tout cela réduit le besoin d’extraire toujours plus de ressources neuves. C’est ainsi que l’on limite l’impact négatif des batteries. La Banque Triodos s’engage déjà dans ce sens : nous avons été la première banque au monde à rejoindre la coalition Right to Repair, et nous investissons dans des entreprises qui reprennent leurs produits en fin de vie pour les réutiliser ou les recycler, comme First Solar.

Trouver le bon équilibre

La technologie des batteries offre de nombreux avantages : elle optimise l’utilisation de l’énergie verte, accélère la transition énergétique, réduit la congestion du réseau et fait baisser les émissions de CO2. Mais elle n’est pas exempte de défauts, des impacts environnementaux aux risques pour les droits humains. La seule façon d’éviter totalement ces risques serait de renoncer à financer ce secteur. Mais alors, nous perdrions toute possibilité d’influencer la filière et de la rendre plus durable, plus transparente, plus éthique. Or, nous voulons continuer à agir dans ce sens.

En réduisant autant que possible les risques, en soutenant l’innovation durable, la circularité et les chaînes responsables, nous pouvons maximiser l’impact positif de la technologie des batteries tout en limitant les risques. Voilà pourquoi nous continuons de soutenir ce secteur, en imposant toutefois des conditions très strictes, toujours dans l’optique d’un avenir plus durable.